Eté 1336 : la sécheresse sévit et le manque d’eau a des conséquences terribles à Aubervilliers, au cœur de la plus vaste plaine légumière de France. Le 14 mai, une jeune fille vient prier dans l’église d’Aubervilliers : « la divine Mère de Dieu fit ruisseler fil à fil du visage de sa statue une douce pluie qui tombait à grosses gouttes sur l’autel. Cette pluie fut bientôt suivie d’une pluie douce et abondante qui vivifia la terre ». Une nouvelle fois, Dieu manifestait sa fidélité envers ceux qu’Il aime, qu’Il a créés et sauvés par son Fils Jésus Christ. A la suite du miracle de la pluie et des nombreuses guérisons qui se produisent dans l’église, de nombreux pèlerins, dont des rois et des saints, viennent à Aubervilliers se confier au Seigneur et à la Vierge Marie.
A la fin du 14ème siècle, l’église est reconstruite et reçoit le nom de Notre-Dame des Vertus, ce qui signifie Notre-Dame des Miracles. Aujourd’hui encore, au mois de mai, les pèlerins se retrouvent à la basilique Saint-Denis et, suivant le canal, viennent jusqu’à Aubervilliers pour prier et se confier à la Vierge Marie.
La statue en bois de la Vierge Marie fut brûlée le 12 octobre 1793. Mais à Paris, dans la chapelle Saint-Julien-le Pauvre, une confrérie conservait une copie de la vénérable statue d’Aubervilliers. Elle permit de réaliser en 1873, en bois de tilleul, une nouvelle statue de la Vierge pour l’église d’Aubervilliers. Deux anges en bois du 16ème siècle l’entourent.
Vitrail central : le Christ Jésus tient le livre de la vie, avec les première et dernière lettres de l’alphabet, Alpha et Oméga : Jésus est le commencement et la fin. Il est entouré des premiers protecteurs de la paroisse : Saint Christophe, qui reconnut dans l’enfant qu’il aidait le Seigneur ; et saint Jacques, en discussion avec la Vierge Marie pendant son apostolat en Espagne.
Sur une clé de voûte sculptée, les saints patrons de l’église : la Vierge portant l’enfant Jésus, saint Jacques et saint Christophe.
Le sanctuaire : au centre, l’autel (1963) où est célébré le sacrifice de l’Eucharistie ; des reliques des saints Verecundus, Béatrice et Victoire y sont déposées. Sur le côté, l’ambon, pupitre où sont lus et commentés les textes de la Bible, pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Sur le côté gauche, une statue de la Vierge Marie (19ème siècle) aujourd’hui très vénérée par les fidèles.
Le collatéral Nord. Les miracles du Seigneur en l’église d’Aubervilliers.
1 Chapelle du Saint-Sacrement et de Notre-Dame des Vertus. Vitrail du Miracle de la pluie. Le 14 mai 1336, les habitants d’Aubervilliers observent la statue de la Vierge Marie, alors que la pluie tombe enfin sur les cultures.
2 Vitrail du repentir du maréchal de Toulouse. Alors qu’il s’était moqué du Miracle de la pluie, ce seigneur tombe malade ; ayant invoqué la Vierge d’Aubervilliers, il est guéri. A genoux, un cierge à la main, il manifeste son regret et sa reconnaissance à la Vierge Marie.
En 1892, une statue de saint Jean Baptiste de la Salle (1651-1719) est installée par les anciens élèves. Ce prêtre ouvrit des écoles pour les enfants pauvres et fonda la congrégation des Frères des écoles chrétiennes pour donner de bons maîtres aux enfants. En 1688, victime de calomnies, il vint implorer l’aide de Notre-Dame des Vertus pour préserver les écoles qu’il avait ouvertes.
3 Vitrail de la guérison d’un enfant de Saint-Denis noyé dans la Seine, au 14ème siècle. La basilique Saint- Denis est représentée avec sa flèche.
4 Vitrail de la guérison d’un enfant d’Argenteuil, sourd et muet, âgé de sept ans, un 27 mai, au 14ème siècle, pendant la messe.
5 Vitrail du baptême d’un enfant ressuscité en 1582. Le verrier a donné les traits du curé Antoine Rustain (1909-1940) au prêtre qui célèbre.
6 Vitrail de la résurrection d’un enfant de Paris en 1508.
7 Vitrail de la guérison d’un hydropique de Paris en 1607.
Dans les mouchettes des vitraux sont représentées les apparitions de la Vierge Marie, à la rue du Bac à Paris en 1830, à La Salette en 1846, à Lourdes en 1858 et à Pontmain en 1871.
Le collatéral Sud. L’église d’Aubervilliers et le chemin de la sainteté.
Au dessus de l’entrée du clocher, un tableau du 18ème siècle, Le Christ au jardin des Oliviers.
1 Le baptistère. Par le sacrement du baptême, le chrétien devient enfant de Dieu, capable de vivre la sainteté. Sur les lancettes, on reconnait d’illustres pèlerins qui trouvèrent à Aubervilliers lumière et force pour vivre leur baptême : saint Ignace de Loyola, saint Vincent de Paul, le cardinal Pierre de Bérulle, saint Jean Baptiste de la Salle, la bienheureuse Marie Acarie de l’Incarnation, saint François de Sales, Monsieur Olier, saint Jean Eudes.
A partir de 1616, la paroisse fut confiée à l’Oratoire, une société de prêtres fondée à Rome en 1575 par saint Philippe Néri, et introduit en France au 17ème siècle par Pierre de Bérulle. Aubervilliers devint un centre spirituel important : des maisons furent construites pour loger les prêtres et accueillir les pèlerins. La retraite et la prière permirent à beaucoup de trouver leur chemin de sainteté et comment accomplir la volonté de Dieu.
La bienheureuse Marie de l’Incarnation est également représentée sur un portrait (1874), portant un livre. Deux sentences y sont formulées : « Nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu » et « Trop avare à qui Dieu ne suffit pas ».
De nombreux ex-voto manifestent la reconnaissance de fidèles pour l’assistance de la Vierge Marie. Remarquez en particulier les ex-voto de prisonniers de la Commune de Paris qui durent leur libération de la prison de La Roquette le 27 mai 1871 à Notre-Dame des Vertus.
La paroisse Notre-Dame des Victoires déposa à Aubervilliers les restes d’une crèche saccagée par les communards, en réparation et en remerciement pour avoir échappé à des brutalités plus graves. La statue de Joseph a été brisée en 1982 lors d’une tentative de vol.
2 Vitrail du baptême du Christ par saint Jean le Baptiste.
3 Vitrail de sainte Jeanne d’Arc (1412-1431). En 1424, pendant la guerre de Cent Ans, à Domrémy, Saint Michel raconte à Jeanne « la pitié qui était au royaume de France » et lui dit : « Sainte Catherine et sainte Marguerite viendront à toi, elles ont été choisies pour te conduire et te conseiller en tout ce que tu as à faire : crois ce qu’elles te diront, c’est l’ordre de Notre-Seigneur. » Le dessin s’inspire du tableau de Lenepveu au Panthéon (1886).
4 Vitrail du pèlerinage de toutes les paroisses de Paris le 17 avril 1529. Devant les progrès du protestantisme, « toutes les paroisses de Paris s’assemblèrent en l’église cathédrale. Et de là allèrent en procession à Nostre Dame des Vertus à la clarté d’un grand nombre de torches et de flambeaux ». Un procédé photographique a été utilisé pour commémorer les messes célébrées dans l’église par des prêtres soldats pendant la guerre de 1914-1918.
5 Vitrail de l’apparition du Christ à sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial en 1675. Dans la lancette, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.
6 Vitrail de Louis XIII offrant la maquette de Notre-Dame-des-Victoires à Notre-Dame des Vertus. Le roi Louis XIII vient le 5 octobre 1614 consacrer sa majorité (14 ans) à Notre-Dame des Vertus. En mai 1621, La Rochelle proclame son indépendance. Louis XIII ordonne le siège de la cité et vient à Aubervilliers implorer l’aide de la Vierge. Après un long siège, la victoire et la Paix d’Alès en 1629, le roi vient présenter à Notre Dame des Vertus l’église qu’il fait construire en son honneur à Paris. Dans la lancette, saint Louis IX, roi de France.
7 Chapelle de saint Joseph. Plaque de la Confrérie des Maraîchers d’Aubervilliers. Vitrail de Saint Fiacre, saint protecteur des agriculteurs. Fils d’une noble famille d’Irlande, Fiacre (590-620) choisit le service du Christ. Il s’installe à Meaux, unissant prière, travail de la terre et soin des malades. Des choux rappellent la spécialité des maraichers de la Plaine des Vertus : le Chou Milan Hâtif d’Aubervilliers et le Chou de Milan Gros des Vertus.
L’église est de style gothique rayonnant. Les chapiteaux sont décorés de feuillage, d’animaux et de symboles chrétiens. Les branches des voûtes à liernes et tiercerons retombent en pénétration dans le pilier. L’église est de plan rectangulaire, le chevet est droit et amorti aux angles par des pans coupés, et composé d’une nef centrale et de deux collatérales. Il comporte huit travées.
Une tour massive d’une hauteur de 30 mètres (1541) a été rattachée à l’église par agrandissement de la nef en 1616-1621. Elle est outenue par des contreforts terminés par une stèle décorée d’une croix grecque. Sur l’un d’entre eux figure un cartouche portant la date 1541. Quatre corniches saillantes divisent le clocher en cinq niveaux. Le dernier niveau est percé, sur quatre côtés, de baies géminées garnies d’abat-sons. Le toit était surmonté d’une flèche ajoutée au 19e siècle, et qui a disparu lors d’un incendie en 1900.
En 1628, l’église reçoit une nouvelle façade, dans le style classique, à deux volutes de pierre encadrant le fronton doté d’une niche abritant une statue de la Vierge. Dans sa partie inférieure, elle est composée de deux baies dissymétriques à l’intérieur desquelles sont percées des portes rectangulaires surmontées de niches, aujourd’hui vides. Ces dernières, sans doute occupées autrefois de statues de saint Christophe et saint Jacques, sont ornées de frontons rectangulaires. Les deux baies sont séparées par une table moulurée et couronnées de reliefs. Une corniche assure la séparation avec la partie supérieure de la façade percée de deux oculi placés sous les volutes.
Le curé Laurent Amodru (1872-1886) releva l’église après le saccage survenu lors de la Commune. Les vitraux posés en 1914 furent détruits le 15 mars 1918 par l’explosion d’un dépôt de munitions de la Courneuve. La maison Champigneulle les restitua en 1919. L’église a été classée Monument historique le 17 juillet 1908.
Un orgue du début du 17ème
Le buffet, tout en chêne, est un grand corps de 1630 et un positif du 18ème siècle. Il est décoré d’harpies aux quatre angles des tambours. Les tourelles du buffet ont perdu leurs statues ou vasques de couronnement. Considérant l’importance du matériel 17ème et 18ème siècle (buffet, sommiers, mécanique des notes et des jeux, tuyauterie), la restauration de 1987 le remit dans son état de 1780, ce qui a conduit le facteur Robert Chauvin à rallonger les tuyaux qui avaient été recoupés au 19ème siècle.